Interviews -
Melting Pop (fr) - 1997
Après la période batracienne et le mini-album de Liquid Gang, Johan Asherton s'enferme en studio avec sa guitare acoustique pour enregistrer lâ??émouvant God's Clown, en 1988. Depuis, le plus anglais des Parisiens ne cesse de nous régaler de sa poésie intimiste. Attention, l'homme est sous influenceâ?¦
On cite souvent à ton propos des influences musicales héritées des années 1970...Mon premier album était très inspiré de Marc Bolan et Syd Barrett. Ce sont des influences que je revendique toujours dans la mesure où elles ont vraiment marqué ma jeunesse.
On peut aussi parler de Dylanâ?¦
La référence à Nick Drake est plus évidente sur The Moon, Soon (Ndlr : titre-hommage au Pink moon de Drake). Je connais ce musicien depuis 1978 mais je n'ai pas accroché au début. Ce n'est que dix ans plus tard que j'ai redécouvert ses disques. Je me suis identifié à lui car j'avais connu entre temps des états d'âme proches des siens� C'étaient des moments assez difficiles pour moi (Ndlr : Johan a entretenu avec la mère de Nick une éphémère correspondance). Je ne pense pas qu'il s'agissait d'une attirance morbide pour la fin tragique de cet artiste. En fait, plus que de sa musique, je me sentais proche de son état d'esprit.
En écoutant des artistes tels que Nick Drake, j'ai cherché à remonter !e temps pour découvrir ceux qui les avaient inspirés. J'ai ainsi connu une pépinière prodigieuse de songwriters anglais et américains. J'ai pris conscience qu'à la fin des années 1960, la musique dite « folk » comportait un nombre invraisemblable de musiciens talentueux. Ces artistes issus de la scène folk ont fait des albums superbes, aujourd'hui tombés dans l'oubli. Je pense notamment à Jimmy Campbell, un Anglais qui a fait deux ou trois albums entre 1969 et 1972. Son premier disque, Half-backed, a été réédité en cd, il est excellent et se situe entre John Lennon et Leonard Cohen. Mais d'autres musiciens de cette période sont remarquables, telle Bridget St Johns qui s'apparentait à Nick Drake période Pink Moon, et des gens comme Keith Christmas, Michael Chapman... Nick Drake n'était pas seul. Il est juste de se souvenir de lui mais ses albums sont réédités régulièrement ce qui n'est pas toujours le cas des musiciens cités précédemment.
Tes influences majeures proviendraient donc de la scène folk anglaise ?Il est difficile de parler d'influences dans ce cas précis car j'ai découvert ces artistes il y a peu. A travers leur musique, je tente plutôt de puiser de nouvelles sources d'inspiration.
Tu parais assez détaché de la scène musicale française, plus proche des folk singers imprégnés de culture anglaise...Certes, mes principales influences proviennent de la culture anglo-américaine. En outre, je me sens en effet plus proche du rock anglais des seventies.
�prouves-tu le besoin de t'isoler pour trouver l'inspiration ? Près de la nature, par exemple ?Non, je suis un véritable citadin et j'habite Paris, même si j'aime aussi la campagne. Je ne ressens pas à proprement parler le besoin de m'isoler. J'écris toujours au même moment, entre une heure et trois heures du matin environ, dans des endroits tranquilles avec un petit peu de lumière et je fais le vide autour de moi.
Ta période solo contraste avec celle des Froggies. Sur certains albums, tu es même accompagné par des instruments classiques (hautbois, violoncelle). Comme s'est faite cette transition ?C'est sans doute une question d'âge, de maturité musicale, Mes années « rebelles » avec les Froggies correspondaient à l'envie de produire un rock'n'roll pur et dur. Mais je me suis lassé et j'ai fini par me laisser guider par ma sensibilité initiale. En fait, j'avais commencé par jouer de la musique acoustique avant les Froggies. Et pour mon premier album solo, je suis revenu à cette « couleur » acoustique qui me correspond mieux. L'utilisation d'instruments classiques ne résulte pas d'une envie de sonner comme certains albums de Nick Drake (Ndlr : Five Leaves Left) mais plutôt d'une certaine culture classique. Comme mon père était violoniste et ma mère chanteuse, j'ai baigné très tôt dans cet univers. Les répétitions du quatuor à cordes de mon père avaient lieu chez nous. J'ai commencé le piano et le violon vers cinq ans, j'ai même chanté dans une chorale à l'école... En fait, je connais la musique classique depuis plus longtemps que le rock.
Que tâ??inspire lâ??émergence de tendances musicales telles que la techno, la jungle ou la house ?L'utilisation de la technologie dans la musique n'est pas nouvelle. Lorsque les Beatles ont fait Sergeant Pepper ou les Pink Floyd leur premier album, ils ont mis à profit les derniers développements technologiques. Hendrix était un pionnier dans la recherche du son, l'utilisation du studio, des trafics...
De même, dix ans plus tard, la nouvelle vague de musiciens a également exploité les possibilités offertes par la technologie. Ainsi, les musiciens de Kraftwerk ont beaucoup influencé la techno pop de Devo.
Cette tendance a toujours existé. Les artistes qui utilisent les nouvelles technologies aujourd'hui ont une démarche similaire à celle des Beatles dans les années soixante.
Bien que certains de ces artistes soient très intéressants, je ne suis pas très sensible à ces mouvements. Tout est trop violent, poussé à l'extrême, dans la musique mais aussi dans la présentation de ces groupes, les clips...
Crois-tu au retour d'une musique plus calme, moins violente ?En fait, cette tendance existe toujours. Certains artistes, tels The Cocteau Twins ou Dead Can Dance, présentent une esthétique plus paisible. J'aime beaucoup Rachel's, ce groupe américain que l'on peut qualifier de «nouveau classique». Les musiciens mêlent le classique contemporain et le jazz. L'un de leurs trois albums s'inspire des toiles de Egon Schiele. Leur démarche est très originale.
Musicalement, tu es attiré par la musique anglo-saxonne mais en littérature, tu apprécies plutôt des Français, Mallarmé, Baudelaire�J'aime effectivement ces écrivains mais pas plus que les Anglo-Saxons. En fait, je suis surtout intéressé par une période qui va de la fin du XIX" siècle aux années cinquante, le romantisme, le symbolisme jusqu'à l'arrivée du nouveau roman. J'ai une passion pour tous les excentriques de la littérature : Baudelaire, Oscar Wilde, Jean Lorrain et la plupart des décadents.
J'apprécie également, dans un genre totalement différent, les premiers romans populaires de l'époque, ceux de Wilkie Collins, Gaston Leroux...
Si tu devais te définir en un mot ?Spleenetic�
Melting Pop â?? Février 1997
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