Reviews: Precious - Les Inrocks (fr) - 2017

Ses dettes, Johan Asherton les a toujours honorées. Après deux disques enregristrés avec ses Froggies -- l'un des rares groupes français à avoir rivalisé de classe et de mordant avec les Dogs -- et une merveille de songwriting (God's Clown, 1988), son quatrième album, le bien nommé Precious, revisite, en 1989 et dans un anglais parfait, le meilleur des late sixties et des seventies naissantes, option baladins, poètes et dandys. Mais au-delà du florilège de citations -- l'harmonica d'Elliott Murphy, la guitare glam de T. Rex, le clin d'oeil au Lucifer Sam de Syd Barrette, le coup de chapeau aux Stones, dont le No Expectations est repris en duo avec Nikki Sudden --, c'est à leur crâne assurance que les chansons d'Asherton doivent échapper aux rets de la nostalgie.
Ici, aucune trace d'introversion, de timidité ou de fétichisme frileux : avec la complicité de Jeff Eyrich -- producteur, pour les Plimsouls, les Blasters et le Gun Club d'un trio d'albums qui contribuèrent à rendre à la Californie des années 1980 son aura de terre promise --, Asherton livre un disque dont le somptueux emballage se met au service d'une qualité d'écriture rare. On peut vénérer Nick Drake et les écrivains gothiques britanniques tout en refusant de rester confiné dans sa chambrette : gorgées de sève autant que de science, les chansons de Precious respirent à pleins poumons et à l'air libre, arpentent les vertes prairies du folk et les grandes routes du rock, réconcilient la plainte des mandolines et le cri de jouissance des villes électriques. Si jamais album de rock français peut prétendre être exportable en terre anglo-saxonne, c'est de celui-ci qu'il s'agit.

Bruno Juffin
Les Inrocks, Hors Série "Les 100 meilleurs albums français (et leurs voisins belges)"
August 25th 2017

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